Même si le bilan global des biocarburants de première génération est positif comme l'ont démontré toutes les études réalisées sur le sujet, la production de carburant à partir de plantes suscite toujours de vives critiques, la principale étant qu'ils entrent en concurrence avec l'agriculture alimentaire. Ce n'est donc pas une solution viable à long therme pour de nombreux pays.
Les biocarburants dits de deuxième génération résolvent ce problème. Fabriqués à partir de sous-produits et de déchets agricoles, il ne mobilisent pas de terres cultivables. Mais cette "diversité" dans la ressource de base pose un problème de rendement. Comment avoir une production stable avec une qualité de matières premières sans cesse fluctuante ? Pour cette raison, certains chercheurs jugent la filière "lignocellulosique" peu viables. Ils sont donc directement passés à la troisième génération de biocarburants, sans biomasse.
La société américaine de biotechnologie Joule Unlimited a choisi cette voie. Elle a développé un procédé qui utilise des cyanobactéries qui produisent du bioéthanol ou du biodiesel lorsqu'elles sont exposées à la lumière et à la chaleur en présence de CO2.
Un pas de géant dû à la génétique
Si les cyanobactéries utilisées se trouvent couramment dans l'eau de nos rivières, elles ne sont pas, bien sûr, utilisées telle quelles. Leur code génétique est en effet modifié. On remplace certains modules de leur ADN pour les "programmer" en vue de produire du biocarburant. C'est la clé de tout le processus et il a fallu de nombreux essais pour trouver la bonne formule. Ce résultat n'aurait pas été possible sans les récents progrès de la microbiologie. Il y a moins de trois ans qu'on est capable de faire de telles modifications génétiques à grande échelle. Ces bactéries "reprogrammées" sont ensuite placées dans des réacteurs. En fait de simple tubes en plastique de 3 cm de diamètre remplis d'eau non potable ( eaux usées, eau de mer, eau saumâtre, ect. ). Sous l'action du soleil, de la chaleur et en présence de CO2 elles produisent, en fonction de leur "programmation" initiale, soit de l'éthanol soit du biodiesel. Il ne reste plus qu'à séparer les carburants qui sont dilués dans l'eau qui circule dans les tubes. Il est pour l'instant beaucoup plus facile de produire de l'éthanol que du diesel, la molécule d'alcool, beaucoup plus petite, passant nettement plus facilement à travers l'enveloppe de la bactérie. Le gros avantage du système, c'est qu'une fois extraits de la solution aqueuse, ces carburants sont directement utilisables, sans raffinage. Le biodiesel, exempt de souffre et de composés aromatiques, est même beaucoup plus performant que du gazole "classique". Son indice de cétane est de 100 ( 51 pour le gazole ). Il s'enflamme plus facilement, ce qui permet d'améliorer le rendement moteur. Sa combustion est aussi beaucoup plus propre, ce qui n'a rien d'un détail face aux questions que soulève aujourd'hui la pollution des diesels.
Rendements et prix records
Le procédé Joule permet de fabriquer du carburant liquide ( éthanol ou diesel ) à partir d'eau, de soleil et de CO2. Il a d'ores et déjà largement dépassé le stade de l'expérimentation puisque l'exploitation commerciale est prévue pour 2014.
Telle quelle, la solution de développée par Joule Unlimited paraît déjà incroyable, mais le plus surprenant est sans doute son rendement.
Pour l'éthanol, Joule annonce 75 000 l/ha, à comparer aux 7000 l/ha de l'éthanol issu de la betterave et aux 35000 l/ha de l'éthanol issu du maïs !
Pour le diesel, le rendement serait de 50 000 l/ha. Là aussi 10 fois mieux que les biocarburants classiques.
En d'autres thermes, 3000 km2 d'installations suffiraient pour alimenter en carburant l'ensemble du parc automobile français, ce qui représente 0,5% de la superficie du pays !
Mais ce n'est pas tout, les promoteurs du projet annoncent un objectif de prix en 2018 de 1,28 $/gallon, soit 0,26 €/litre pour l'éthanol et 50 $/baril, soit 0,24 €/litre pour le gasoil... Et sans aides de l'Etat !
Quels freins ?
Evidemment, la mariée paraît trop belle ! par le passé, de nombreux procédés "miracles" de production de carburant se sont révélés être de la fumisterie, voire des escroqueries. Dans le cas présent, ce que nous pouvons vous affirmer aujourd'hui, c'est que le procédé Joule fonctionne en laboratoire. Nous l'avons vu ! la phase d'expérimentation lancée au Texas valide également les chiffres annoncés et une première usine est en cour de construction à Hobbs au Nouveau-Mexique. Evidemment, la production nécessite à la fois une ressource en eau, une source d'approvisionnement en CO2 du soleil et de la chaleur, ce qui rend l'implantation délicate, voire impossible dans de nombreux pays. Le lobby pétrolier va aussi peser lourd dans la balance, sans compter l'avis de certains écologistes qui voient d'un mauvais oeil ce "bricolage génétique". Nous avons d'ailleurs posé la question : qu'adviendrait-il si les bactéries génétiquement modifies se retrouvaient accidentellement dans la nature ? Assisterait-on à une marée noire planétaire ? La réponse se veut rassurante. Tout d'abord, ces bactéries n'ont plus la possibilité de se reproduire, la photosynthèse habituellement utilisée pour la formation de nouvelles cellules servant ici à la production d'hydrocarbures. En suite, elles ne peuvent survivre que dans une plage de température très étroite et dans un milieu aqueux. Or, il est assez rare de trouver de l'eau à 37°C dans la nature, sinon dans votre baignoire !
Le Fuel pour employer sa domination commerciale est donc une avancée majeure en matière d'énergie renouvelable, ce qui explique le partenariat signé avec le constructeur allemand Audi. Ces biocarburants de troisième génération enthousiasment en tout cas les chercheurs allemands avec qui nous en avons discuté. Alors, à quand l'implication d'un industriel français ?